Chaque année, l’INSEE publie le portrait de la société Française. Les données qui sont transmises permettent de mieux comprendre les enjeux macro-économiques en particulier sur le sujet de la protection sociale et donc de la retraite.

• Le vieillissement de la population s’accélère avec l’avancée en âge des baby-boomers. En 2019, la France métropolitaine compte 65 millions d’habitants contre 53 millions en 1975, soit 12 millions de plus. Environ 80 % de cette hausse est due au solde naturel, différence entre le nombre de naissances et celui des décès.
13,4 % de la population a 65 ans ou plus en 1975 contre 20,3 % en 2019.

• La fécondité des femmes de moins de 25 ans a baissé depuis 1975, alors qu’elle a augmenté pour les plus de 30 ans. Les femmes donnent naissance à leurs enfants de plus en plus tard :
30,7 ans en moyenne en 2018 contre 26,7 ans en 1975.

• La mortalité, elle, a baissé pour tous les âges depuis 1975 en France. En particulier, la mortalité infantile a chuté durant le XXe siècle, elle est passée de 13,8 ‰ à 3,6 ‰ entre 1975 et 2005.
Elle est stable depuis une dizaine d’années. Elle s’élève à 3,8 ‰ en 2018.

• En 1975, une femme pouvait espérer vivre 76,9 ans dans les conditions de mortalité de l’année et un homme 69,0 ans. En 2018, l’espérance de vie est de 85,4 ans pour les femmes et de 79,5 ans pour les hommes. Conséquence de l’augmentation de l’espérance de vie et de l’avancée en âge des babyboomers, la population française vieillit.

• Concernant le temps de travail, depuis 1975, la durée annuelle effective du travail a diminué de 350 heures (–17%), pour atteindre 1 609 heures en moyenne en 2018.
Progression du salariat, développement des temps partiels et baisse de la durée légale du travail (passage aux 39 heures et 5e semaine de congés payés, puis aux 35 heures) ont contribué à réduire la durée annuelle effective du travail.
Cependant, cette diminution s’accompagne d’horaires moins réguliers et plus contrôlés.

Alors que les travailleurs non-salariés travaillent plus que la moyenne, leur part dans l’emploi s’est réduite de plus d’un tiers depuis 1975. Le temps de travail des non-salariés a aussi baissé, à partir du milieu des années 2000, et plus particulièrement avec l’apparition du statut d’auto-entrepreneur.
Pour les cadres, le temps de travail est élevé et a peu baissé, notamment du fait de l’apparition du dispositif du forfait-jours au début des années 2000.

La part du travail à temps partiel au sein du salariat a triplé en quarante ans. Quatre emplois à temps partiel sur cinq sont occupés par des femmes en 2018.
Entre 1975 et 2018, la baisse de la durée annuelle effective du travail est principalement due à la diminution du temps de travail des salariés à temps complet.

Les horaires de travail se sont flexibilisés : le travail de nuit et plus encore le travail du dimanche se développent. Plus d’un quart des salariés (28 %) déclarent avoir travaillé le dimanche en 2016, contre 12 % en 1974. La fréquence du travail de nuit habituel s’est accrue.

• De 1977 à 2015, la mobilité sociale des femmes a nettement progressé, pour dépasser celle des hommes, qui est restée quasi stable.

De 1977 à 2015, la mobilité sociale des femmes a progressé de 12 points par rapport à leur mère (71 %) et de 6 points par rapport à leur père (70%).

Par rapport à leur mère, les femmes sont beaucoup plus nombreuses à connaître une ascension sociale plutôt qu’un déclassement. En effet, elles sont bien plus souvent en mobilité ascendante par rapport à leur mère sur la période, et ce quelle que soit leur origine sociale.

• Les destinées sociales des femmes salariées se sont fortement améliorées, mais devenir cadre comme ses parents reste moins fréquent pour les femmes que pour les hommes.
Depuis 40 ans, environ une employée ou ouvrière non qualifiée sur deux a une mère exerçant la même profession.
• Entre 1975 et 2016, en France métropolitaine, le niveau de vie médian après redistribution a augmenté de 56 %.
Le niveau de vie médian avant redistribution à, lui, progressé de façon quasi continue de 1975 au milieu des années 2000 et stagne depuis la crise de 2008. En 2016, il est supérieur de 69 % à celui de 1975.

Les niveaux de vie avant redistribution des retraités ont dépassé ceux des actifs depuis 2012, alors qu’ils leur étaient inférieurs d’un tiers il y a quarante ans. En effet, le niveau de vie médian avant redistribution a progressé plus de deux fois plus vite pour les retraités que pour les actifs au cours des quarante dernières années.

• Après 2008, les transferts socio-fiscaux ont compensé la hausse des inégalités de niveau de vie avant redistribution.
Le poids moyen des prestations sociales dans le revenu des ménages a diminué d’un quart entre 1975 et 2016, mais elles sont devenues plus concentrées vers les bas revenus.

• Les Français identifient moins souvent la famille comme seule source de bien-être : 59 % des Français disent en 2019 que « c’est le seul endroit où l’on se sent bien et détendu », contre 70 % quarante ans auparavant.

Cette évolution peut être reliée à la progression des ménages constitués d’une personne seule, du fait du développement du célibat, des séparations et du vieillissement de la population. Ces ménages constituent aujourd’hui la situation la plus fréquente avec 35 % des ménages contre 25 % en 1982.

• Malgré une progression du temps libre de 33 minutes sur une journée moyenne entre 1986 et 2010, près de la moitié de la population française estime toujours manquer de temps pour les activités autres que le travail et les tâches domestiques : ce sentiment augmente chez les plus modestes et diminue chez les plus aisés.

• Les Français sont plus pessimistes sur l’évolution de leur niveau de vie aujourd’hui qu’auparavant : en 1979, 46% d’entre eux disaient qu’il s’était amélioré depuis une dizaine d’années ; ils ne sont plus que 24 % en 2019.
La perception qu’ont les individus des évolutions de leur niveau de vie coïncide fortement avec la situation mesurée au travers des indicateurs macroéconomiques, et notamment de la croissance économique.
L’idée que la société française a besoin de se transformer profondément progresse : 83 % des Français le pensent en 2019, contre 76 % en 1979.

• Les jeunes Français âgés de 18 à 24 ans se démarquent dorénavant de leurs aînés au même âge par leurs inquiétudes bien plus vives en matière de santé et de sécurité. 75 % seulement des 18-24 ans et 73 % des 25-39 ans jugent leur état de santé satisfaisant par rapport aux personnes de leur âge.
L’inquiétude à l’égard du risque d’agression dans la rue progresse depuis quarante ans. En 1982, 35 % des Français étaient inquiets à ce sujet ; ils sont 59 % à l’être en 2019. Les femmes sont plus anxieuses du risque d’agression que les hommes.

• Les familles monoparentales représentent 23 % des familles comprenant au moins un enfant mineur en 2016, contre seulement 12 % en 1990. 84 % de ces familles sont des femmes résidant seules avec des enfants mineurs.
En France, 210 000 familles sont devenues monoparentales en 2011 à la suite de séparations de couples ayant au moins un enfant mineur : la moitié (53 %) à la suite d’une rupture d’union libre (couples ni mariés, ni pacsés) et 41 % après un divorce.

Après la séparation, la baisse de niveau de vie est plus forte pour les mères que pour les pères : la moitié des mères de familles monoparentales perdent au moins 20 % de niveau de vie l’année qui suit la séparation. Pour les pères, la baisse est de plus de 10 % pour la moitié d’entre eux. La différence s’explique par le fait que les femmes ont souvent des revenus inférieurs à ceux de leur conjoint et qu’elles résident plus souvent avec leurs enfants en garde exclusive.

• La hausse du revenu disponible est principalement liée aux réformes sur les prélèvements directs, très favorables aux 10 % de personnes les plus aisées. Les mesures socio-fiscales mises en œuvre en 2018 font augmenter le niveau de vie beaucoup plus fortement sur cette catégorie (+ 790 euros par an en moyenne) que pour le reste de la population (+ 130 euros à + 230 euros en moyenne par an). Les réformes bénéficiant aux personnes les plus aisées sont notamment celles concernant les détenteurs de capital : remplacement de l’impôt de solidarité sur la fortune par l’impôt sur la fortune immobilière et mise en place du prélèvement forfaitaire unique.

•Le niveau de vie des 10 % de personnes les plus pauvres augmente aussi du fait des réformes mises en œuvre (notamment la revalorisation de plusieurs prestations ou minima sociaux), mais les gains en niveau sont plus faibles que pour l’ensemble de la population.
La bascule des cotisations sociales vers la contribution sociale généralisée (CSG) favorise les actifs occupés et pénalise les retraités.

La hausse de niveau de vie liée à l’ensemble des mesures socio-fiscales de 2018 est aussi beaucoup plus importante lorsque la personne de référence du ménage est un actif occupé (+ 340 euros par an en moyenne) que lorsqu’elle est retraitée (+ 120 euros par an en moyenne) ou dans une autre situation (+ 160 euros par an en moyenne).

Si le mouvement des gilets jaunes a longtemps bénéficié d’un important soutien de l’opinion publique, c’est d’abord parce qu’il a porté des revendications économiques très largement partagées. Celle en faveur d’une hausse du pouvoir d’achat fait même l’unanimité. Ce sentiment de délaissement voire carrément d’abandon se traduit dans les chiffres présentés par l’Insee.

Déclassement, précarisation des relations au travail comme en dehors, vulnérabilité sont le lot de centaines de milliers de Français creusant encore un peu plus les inégalités. Les premiers de cordées sont les grands gagnants. La réforme de la retraite à point ne fera qu’accentuer ce phénomène où la population des inactifs était jusque-là relativement épargnée.
T.LADEUX

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