Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS 2021) prévoit un déficit prévisionnel de 49 milliards d’euros pour l’année 2020. Ces chiffres sont impressionnants, et après le déficit de 2010 dû à la crise financière de 2008, c’est le déficit le plus important jamais enregistré.
Pourtant ces chiffres sont à relativiser.
Car l’équilibre financier de la Sécurité sociale n’est pas une fin en soi. Sa raison d’être est bien plus importante : la Sécurité sociale a été construite pour « libérer les travailleurs de l’angoisse du lendemain » (Ambroise Croizat) tout en ouvrant un espace de démocratie sociale où les représentants des travailleurs prennent part à la gestion d’une partie de la richesse qu’ils produisent (les cotisations sociales) et qui est mise en commun.
L’ensemble des branches est touché par la crise. Toutes enregistrent ainsi un déficit du fait de la contraction des recettes alors que les dépenses n’ont pas diminué.
Cependant c’est la branche maladie qui a subi les conséquences les plus sévères en raison d’un effet « ciseaux » c’est-à-dire la baisse des recettes accompagnée d’une forte croissance de ses dépenses.
Ainsi, les recettes se sont effondrées de plus de 32 milliards d’euros par rapport à la prévision de la loi de finances de sécurité sociale 2020 dues à la chute de l’activité et de la très forte contraction de la masse salariale dans le secteur privé. Et ce, malgré une recette exceptionnelle de 5 milliards d’euros correspondant au versement de la « soulte CNIEG » par le fonds de réserve des retraites à la branche vieillesse.
Côté dépenses, le surcoût brut causé par la réponse à l’épidémie de COVID-19 s’élève à plus de 15 milliards.
Les politiques libérales menant aux crises économiques, sociales et environnementales creusent de fait les comptes de la Sécu en augmentant ses dépenses et en réduisant ses recettes lorsque le chômage augmente.
Cela implique donc que si les besoins de financement augmentent, il faut augmenter les recettes, c’est-à-dire les cotisations sociales.
Or, depuis les années 1990, les gouvernements successifs ont fait le choix politique de geler l’augmentation des cotisations sociales, qui jusqu’ici augmentaient au rythme des dépenses, ce qui avait permis d’améliorer de manière continue les prestations sociales. C’est de là que vient la dette de la Sécu.
De plus, ces gouvernements, au nom de l’emploi, n’ont cessé depuis 1993 de mettre en place des politiques d’exonération de cotisations sociales alors même que ces dernières n’ont jamais montré leur efficacité pour baisser le chômage. Ces exonérations représentent aujourd’hui au bas mot 90 milliards d’euros (annexe 5 du PLFSS 2020), dont 5 milliards d’euros d’aides liées à la crise.
De même, plutôt que d’augmenter les salaires, les gouvernements ont encouragé depuis des années les politiques de primes et d’épargne salariale exemptées de cotisations sociales et créant encore un manque à gagner pour la Sécurité sociale.
Enfin, Il y a également la fraude aux accidents du travail qui ne sont pas déclarés par les employeurs et qui plombent les dépenses de la branche maladie au lieu d’être pris sur la branche AT MP (en 2011, manque à gagner estimé entre 587 Millions et 1,1 milliards d’€ à la SS, rapport commission Diricq de la cour des comptes).
Le refus d’augmenter les cotisations sociales et l’encouragement des différentes exonérations et exemptions ont creusé le déficit, support des discours réformateurs, mais aussi de profits financiers.
L’État a créé en 1996 la Caisse d’amortissement de le dette sociale (Cades), financée par une contribution des salariés et retraités sur leur salaire (la CRDS), pour gérer la dette sur les marchés financiers.
Elle a ainsi, depuis 1996, remboursé 59,6 milliards d’euros de capital en versant 38,3 milliards d’euros d’intérêts et de commissions aux financiers, et le remboursement de la dette coûtera encore 16 milliards d’euros cette année aux travailleurs.
Ce sont ces remboursements qui creusent aujourd’hui les déficits de la Sécu
Avant la crise de la Covid-19, depuis 2014, mis à part le remboursement de la dette, la Sécurité sociale était excédentaire ! La Sécurité sociale n’a pas un problème de dette, n’a pas un problème de coûts, elle a un problème de financement issu de choix politiques menées par les gouvernements successifs !